Compte-rendu en images sur le site de Thierry Bouché.

Récit de l'aventure ci-dessous :

Virée en Dévoluy - Août 2003

 

Été 2003, c'est reparti. Sur la lancée de la " Virée Alpine ", Thierry Bouché et moi décidons d'explorer un peu plus les possibilités de descente en MTT®.

 

Objectif Obiou

Nous jetons notre dévolu sur le Dévoluy (et il en est fini avec les jeux de mot douteux). Pourquoi ce petit massif calcaire situé près de Gap ? Un coup de coeur, un Obiou majestueux, un terrain qui ne se laisse pas approcher facilement, une vue imprenable sur le massif des Ecrins...

L'ascension de l'Obiou est réputée délicate (en tant qu'itinéraire de randonnée). 1100 mètres de dénivelé. 2789 mètres d'altitude. Le haut est rocheux, exposé et exige un pas sûr. Certains passages se font en mini-escalade. Bref, ce n'est pas " MTTable ". Et c'est ça qui chatouille. Le rêve devient obsession : plus de choix, il faut tenter la descente.

 

De l'utilité de la corde

On l'avait évoquée lors de notre précédent périple, cette histoire de corde. Comme ça, pour faire mûrir l'idée... Après tout, dans les activités alpines, on s'encorde quand la chute est mauvaise. Nous voilà donc le premier jour, équipés de baudriers, à tester l'affaire dans le lit d'un torrent asséché. L'un assure pendant que l'autre descend la paroi. Convaincant, très convaincant même. La corde ne gêne pas. Toute une catégorie de parcours devient accessible en toute sécurité. (Notre monocycle est en permanence attaché à nous par une cordelette afin d'éviter de le perdre).

Nous avons choisi d'utiliser la corde dans l'unique but de retenir en cas de chute. La corde est lâche, elle n'aide pas à l'équilibre. Nous excluons de notre pratique les descentes en rappel (suspendu à la corde). Cet itinéraire sur roche de quelques dizaines de mètres que l'on a finit par faire en " intégrale " (voir article précédent) était pour nous assez atypique. Très court, très difficile. Cela nous a fait penser à une voie d'escalade et le besoin de coter chaque pas s'est fait sentir. Nous avons adopté le même principe que les cotations d'escalade.

 

Première tentative de l'Obiou

La corde nous prémunissant de mauvaises chutes, plus rien ne s'opposait à notre tentative. Le 12 août, ascension de nuit, arrivée au sommet au lever du soleil. Lumière splendide, ambiance féérique, vue sur la Meije (départ de la "Virée Alpine" de l'année passée), nous ouvrons la descente. L'objectif est d'arriver au Petit Obiou, 300 mètres de dénivelé plus bas. Petit dénivelé pour grandes émotions. Le début se fait relativement facilement, paysages splendides. Et progressivement la pente s'accentue, nous entrons dans la falaise. Nous nous connaissons bien, les obstacles vus à la montée lors des premières lueurs du jour n'ont pas suffit à nous dissuader, c'est bien "l'intégrale" que l'on recherche. Notre concentration est sans relâche. Tout doit être mesuré, posé, précis. Une grande traversée et nous arrivons au fameux " mur " vu à la montée qui nous prendra plusieurs heures. L'encordage devient nécessaire. Travail de fourmi, certains passages demandent beaucoup d'essais. Face au vide, nous composons avec notre appréhension. Il arrive que celui qui assure ne voit plus celui qui descend. Quelques mots, des tensions sur la corde pour se comprendre, des sensations d'alpinisme. Beaucoup d'attente aussi pour laisser passer les randonneurs, certaines pierres se détachant facilement. Exténués, nous faisons la fin du parcours (plus facile) sans grand panache mais avec la ferme idée d'arriver au bout. 7h30 de descente : arrivée à l'altitude 2464m. L'eau manque cruellement, nous n'arrivons pas à mâcher notre repas, il reste 800 m de dénivelé à descendre à pied, une formalité par rapport à ce qui précédait. Objectif atteint, une douce ivresse nous gagne. C'était donc possible ! En " intégrale " ! (En excluant trois remontées lors de la traversée).

Pourquoi la fin à pied ? Une première raison est que nous n'avions ni le temps ni l'énergie de continuer. Nous pouvons imaginer que dans l'avenir certains sauront descendre plus rapidement avec des techniques plus adaptées. La suite de la descente ne manque pas de piquant : très raide et beaucoup de caillasses. La deuxième raison est qu'il aurait fallu un jour sans randonneurs, les chutes de pierres pouvant être très dangereuses.

Certains peuvent s'étonner de la main posée sur les photos. Il nous semble important pour des raisons de sécurité, pour se poser avant le franchissement d'un obstacle, d'avoir une main en appui sur la paroi. Ce choix est discutable, certains peuvent l'interpréter comme de la " triche ". Nous nous sommes donnés des règles préalables qui nous paraissent en accord avec une pratique de montagne. Une main permise mais pas deux ni une fesse ou un autre appui.

Maintenant que la pratique se généralise et que les itinéraires ont vocation à être refaits, il nous semble important que soient indiqués dans les descriptifs de descentes les règles et principes suivis.

 

Un sommet peut en cacher un autre

En fait, l'objet de notre périple n'était pas l'unique et intense descente de l'Obiou mais la descente des trois pics dominants du massif du Dévoluy (au dessus de 2700m), à savoir l'Obiou, le Grand Ferrand et le Pic de Bure. La partie haute du Grand Ferrand est de la roche très friable. Un repérage à pied a suffi à convaincre de l'aspect dangereux de la descente : pour nous, avec des points d'assurage peu sûrs, et surtout pour les éventuels randonneurs se trouvant en dessous. L'estimation du danger en montagne reste subjective mais ne peut être ignorée : on ne fait pas n'importe quoi n'importe où. Nous avons statué que cette descente ne respectait pas nos règles de sécurité.

Bon, un sommet de moins. Le Pic de Bure, il ne faut pas le rater. Différents itinéraires sont possibles, nous avons choisi d'attaquer par le sud, départ " les Sauvas ". Objectif : descente de 2709m à 1600m, soit 1100 mètres de dénivelé. Le chemin est moins aérien mais que de caillasses ! Le pari était ici de se dire qu'il était possible de faire une grande descente dans les pierriers. Il nous était souvent arrivé de traverser des pierriers, mais quand cela devient le terrain quasi-exclusif la technique s'affine et on découvre de nouvelles sensations. Ca bloque, ça coince, ça roule, ça dérape, ça s'enfonce... Une occasion de voir la pertinence du " pédalé-sauté " de Thierry en descente abrupte de pierrier (la godille du MTT®).

Descente "intégrale" en 6h30 le 14 août, l'itinéraire se défendait bien.

 

Vers une discipline alpine

Il est peut-être prétentieux ou simplement prématuré de comparer notre pratique à l'alpinisme. Pourtant, dans l'esprit, elle est proche du ski de randonnée, on retrouve l'engagement de l'escalade ou de la marche sur glacier. Autonomie, sécurité, lecture du terrain et des changements climatiques, évolution en altitude... Descendre un sommet prend un sens plus profond qu'un simple enchaînement de passages techniques. L'Obiou et le Pic de Bure sont ainsi une suite logique des descentes faites l'année dernière.

Dans de telles descentes où l'état de fatigue normal est atteint lorsqu'on a fini la montée (allez, il en reste un peu pour le début de la descente), c'est le psychologique qui prend le relais. Pas assez préparés physiquement cette année, nous avons réussi ce projet grâce à notre fonctionnement de " cordée ". Ecoute, soutien, il y en a toujours un pour relancer la dynamique dans les moments difficiles. Nous avons trouvé cet état de confiance permettant de mobiliser le meilleur de notre technique dans les passages délicats. C'est certainement un de ces grands plaisirs qui font que l'on va récidiver.

 

Une selle qui n'en est plus vraiment une

Je ne peux pas m'empêcher de parler de la nouvelle selle que j'ai expérimentée. Lors de la " Virée Alpine ", j'avais une selle "classique" qui manifestement me limitait dans mes actions. Thierry en a une dont la forme intrigue. Quelle différence entre la sienne et la mienne ? Et que faire pour améliorer le tout ?

1- Il est souvent utile en MTT® alpin de dégager la selle vers l'avant afin de pouvoir se baisser (et aussi pour éviter certaines chutes dangereuses). Une selle trop large à l'arrière est gênante.

2- Nous tenons toujours notre selle d'une main, garantie d'un bon contrôle de l'engin. Il faut donc une poignée.

3- Nous sommes très rarement assis (sauf quand c'est très roulant). L'assise n'est donc pas fondamentale.

Voici le résultat : une poignée avant qui se saisit facilement et une poignée arrière plus basse qui sert essentiellement d'entrejambe mais aussi de poignée lorsqu'on se dégage pour se baisser. Léger, solide, très bonne tenue, un dégagement facile en cas de chute. Le confort en prend un sacré coup mais on y pense peu au milieu de la descente de l'Obiou. Aux premiers essais, elle surprend. Il faut trouver les bons réglages et s'habituer.

 

Dans un premier temps, on apprécie sa maniabilité et on s'aperçoit que sur de tels types de parcours il vaut mieux bien tenir son engin plutôt que s'asseoir. La tenue en latérale est d'une grand efficacité pour le maintien de l'engin quand on est en dévers (ce qui arrive dès que l'on ne peut plus descendre en roulant de face). Dans un deuxième temps, on peut expérimenter et inventer de nouvelles techniques que permet cette selle. Prometteuse à mon avis.

Comme tout objet technique, elle devient complètement inadaptée pour d'autres pratiques. Inutile de penser à faire de la route ou du basket avec cette selle. Elle est pensée pour le MTT® Alpin.

Pierre Desjonquères